Bilan carbone® d’un chantier / BC3 : Etude Détaillée du lot Gros œuvre
juillet 23rd, 2010 // 12:00 @ V.CAU
Etude du chantier de construction de l’EHPAD *** que nous avons détaillé ici,
quantification des émissions de gaz à effet de serre de la phase gros œuvre.
Les deux post précédents illustrent les réflexions intéressant en priorité la Maîtrise d’œuvre ou la Maîtrise d’Ouvrage d’une opération. A partir des données des montants traités pour l’ensemble des lots du chantier nous avons quantifié les émissions globales du chantier (exemple BC1). La Décomposition des Prix Globale et Forfaitaire du lot gros œuvre, nous a permis d’extraire les quantités et flux impliquant le lot gros œuvre (étude BC2).
Nous allons comptabiliser plus finement les émissions du gros œuvre, mais à partir des données de l’entreprise cette foi-ci.
L’analyse sera cette foi-ci, organisée selon les onglets du tableur bilan carbone® de l’ADEME.
- les facteurs d’émission
Comme nous l’avons détaillé dans les post précédents, les facteurs d’émission sont issus de la base publique tenue par l’ADEME (guide des facteurs d’émission V6.1, des fiches d’analyse de cycle de vie INIES, d’extractions de l’outil « Bilan Produit » développé par l’université de Cergy-Pontoise et l’ADEME à partir des données « Ecoinvent », ou encore de recherches spécifiques.
- méthodologie et résultats
Pour étudier une affaire et répondre à un appel d’offres, l’entreprise réalise un métré sur plans, elle quantifie les matériaux nécessaires, les besoins en matériel, heures de travail, l’énergie…et propose une offre de prix.
La méthodologie consiste ici, à identifier, regrouper l’ensemble des charges nécessaires à l’entreprise pour réaliser ses ouvrages :
- Les consommations d’énergies,
Les émissions dues à l’utilisation de l’énergie sont estimées et traitées de la même manière que dans le tableur bilan carbone®. A partir d’une estimation des consommations d’électricité (grue, coffrets chantier, cantonnement, éclairages…) et des consommations de carburant (engins de chantier, grues automotrices, mini-pelles…) et également, les consommations des véhicules de l’encadrement de chantier.
L’encadrement du chantier : Les émissions de l’équipe d’encadrement (directeur de travaux, conducteur de travaux, chef de chantier…) sont décomposées de la manière suivante : pour un conducteur de travaux utilisant un petit véhicule (type Clio…) loué sur 36 mois, un ordinateur portable amorti sur 36 mois et consommant 200 litres de gasoil par mois, on obtient l’ordre de grandeur suivant:
67 kg éq. C/mois | amortissement mat | 22.72% | |
36 kg éq. C/mois | amortissement informatique | 12.18% | |
191 kg éq. C/mois | gasoil | 65.11% |
- Les consommations « hors énergie »
Même si elles sont conséquentes pour le lot gros œuvre, elles n’apparaissent pas distinctement. Les consommations hors énergie, correspondent principalement aux
émissions conséquentes de la fabrication du ciment : la décarbonatation lors de la fabrication du clinker (60% des émissions du ciment, et par conséquent 46% des émissions du béton d’une manière générale) et sont comprises dans les émissions du béton, mortier, ciment, chaux et tous les matériaux dont ils font partie des composants.
Pour ce qui est des climatisations de chantier (monoblocs WIDOW), le groupe n’est jamais rechargé en fluides frigorigènes. Elles sont négligées dans notre approche.
- Les intrants.
Les matériaux
L’ensemble des quantités de matériaux nécessaires sont détaillées : types et quantités précises. Les facteurs d’émissions sont directement affectés à chaque type de matériaux (base de données de plus de 800 facteurs d’émission matériaux)
(les centièmes de pourcent ne sont affiché que pour mettre en évidence des valeurs différentes de 0)
L’impact des sous traitants et prestations diverses
Les charges sous traitées sont traitées en fonction d’une estimation de l’émissivité de l’activité :
Par exemple pour la maçonnerie :
D’une manière statistique (étude de type quantification carbone BC1), nous avons établi un ratio à partir des données des indices BT nationaux. Pour la Maçonnerie blocs (seule) nous obtenons un ratio de 0.155kg éq. C/€ (les ratios varies de quelques centaines de kg éq. C/k€ pour les activités fortement émissives à quelques dizaines pour les activités de services)
A partir du prix unitaire du poste nous obtenons le facteur d’émission (30€ * 0.155 kg éq.C/€ = 4.65 kg éq. C)
prix | facteur d’émission | |||||||||
MACONNERIE DE 20 EP Sous-traitée | M2 | 30 | 4,65 | intrants – services | 0,155 kg éq C/ € | ratio € | 1m2 agglo 20 : BD INIES = 3,16kg éq C |
Nous obtenons ici 4.65 kg éq C/m2 pour une activité de maçonnerie en agglos de 20, La base de données INIES nous indique 3.16kg éq. C/m2 d’agglo, ce qui conforte notre analyse (si l’on rajoute les émissions de fonctionnement de l’entreprise sous traitante, nos 4.65 kg éq.C/m2 semblent cohérents)
- Les transports
Les transports sont évalués de la même manière que dans la méthode bilan carbone®. Une partie des transports est incluse dans le facteur d’émission des matériaux (les facteurs d’émission des matériaux comprennent forfaitairement l’impact du transport, base INIES).
FRET | |||
fret – matériel | 708 | ||
fret – véhicules km | 2 | ||
total fret | 710 kg éq.C |
- Les trajets
Ce poste reflète les émissions relatives aux déplacements des compagnons du chantier. C’est une estimation fonction de la distance du chantier à la zone de logement des compagnons, au type de trajet et au taux de covoiturage. Ici, deux compagnons par voitures, pour un trajet aller-retour de 40km par jour en mode extra-urbain. Ici nous avons globalement un facteur d’émission (des trajets) de 0.17 kg éq.C par heure travaillé. (Les émissions des trajets journaliers sont ramenées à l’heure travaillée, 16 000 heures sur cette opération)
DEPLACEMENTS | |||
déplacements / dom.trav. | 2 751 kg éq. C |
- Les déchets
Les bennes de chantier (triées ou pas, gravats, bois, ferraille, DIB…) le tonnage est affecté d’un facteur d’émission correspondant.
déchets directs 4 997 kg éq. C
- Immobilisations
La Prise en compte du matériel: Les émissions du matériel correspondent aux émissions qui ont été nécessaires pour leur fabrication, les consommations ne sont pas prises en compte dans ce poste mais dans le poste énergies. Comme dans la méthode bilan carbone®, l’ensemble des émissions provenant de la fabrication des machines et engins sont imputées proportionnellement à leur amortissement. Les facteurs d’émissions correspondent aux matériaux utilisés pour la fabrication, majoritairement l’acier.
Exemple : pour une grue, ayant une masse de 68 tonnes, on déduit les émissions totales de 68 tonnes d’acier, que l’on amorti sur 180mois.
grues | |||||||
Acier ou fer blanc | 644 | 2 360 | 1 | 50% | 585 | 10% | 644 |
mature 1,6m | poids | FE ACIER | amortissement | durée grue | |||
poids a vide forfaitaire | 50 t | 643.50 kg eq C | 178.75 kg eq C/m | 180 mois | 1.00 mois | ||
mature 2m | FE ACIER | ||||||
poids a vide forfaitaire | 68 t | 643.50 kg eq C | 243.10 kg eq C/m | 180 mois | 1.00 mois |
IMMOBILISATIONS | |||
amortissements | 11 718 kg éq. C | ||
amortissement – informatique | 516 kg éq. C |
- résultats
EMISSIONS DU CHANTIER | 342 180 kg éq. C | |
SURFACE HABITABLE (80% SHOB) | 5 670 m2 | |
SOIT | 60.35 kg éq C / m2 | |
sur la base de 80% de gasoil et 20% d’électricité | ||
gasoil 80% | 0.082 kg éq C/kWh | 951 kg éq C/T |
électricité 20% | 0.023 kg éq C/kWh | |
SOIT POUR LE CHANTIER | 1 114 kWh/m2 | |
EN EQUIVALENT logement économe (50kWh/m2/AN) |
22 |
ANS |
Ratio (exercice de comparaison et de mise en perspective avec les indicateurs de performance énergétique et
d’émissions annuelles de gaz à effet de serre
- conclusions
Nous retrouvons les résultats de l’étude BC2 (post précédent) à savoir que les émissions du béton « écrasent » toutes les autres. Les émissions de tous les ouvrages béton armé (émissions du béton, de l’acier et des éléments préfabriqués) représentent : 68% de l’ensemble.
Si l’on veut être efficace dans la gestion des priorités, les pistes d’action ne devront pas concerner (comme c’est souvent le cas) les économies d’énergie ou la gestion du déplacement du personnel (ou l’impact, sera surement plus social et concernera plus le pouvoir d’achat des compagnons, que la réduction des émissions et de la dépendance de l’entreprise). Il va falloir s’atteler à réfléchir sur le poste majeur : le béton armé.
Exercice d’analyse de risques…
Un petit focus sur le poste principal et cœur de métier « LE BETON ARME ». Les émissions du « béton » représentent 68% de 342 tonnes équivalent carbone, soit 232 tonnes. En prenant l’hypothèse que la part des hydrocarbures dans les émissions de ce poste « béton armé » représente 57% (51% des émissions du béton dépendent d’hydrocarbures, le reste étant du à la décarbonatation du clinker et aux combustibles non fossiles, pour l’acier : 100% hydrocarbures) nous pouvons déduire que le béton armé dépend de 132 tonnes équivalent carbone.
Le total des émissions, dépendant des hydrocarbures, comprend donc les 132 tonnes vues précédemment et le reste des émissions, 110 tonnes équivalent carbone (que nous pouvons « grossièrement » décomposer en 80% Hydrocarbures et 20% électricité (émissions des centrales à fioul et charbon)) soit 242 t éq. C. Converti en tonnes de pétrole brut, cela nous donne : 270 tonnes ou encore 1953 barils.
Si l’on imagine, une augmentation du prix du baril de 61€ (78$) de 81€ (104$ aujourd’hui), ET dans l’hypothèse d’une répercutions du surcout, sans inertie, par tous les acteurs de chaine de production (purement hypothétique), on peut estimer ce « surcout » pour l’entreprise à 39 000€.
Les pistes d’action :
-
Réduire les volumes de béton : optimisation des structures, par des calculs plus poussés, par la réalisation de la structure en poteaux-poutres, diminution du poids du bâtiment qui diminue proportionnellement les fondations.
-
Réduction des utilisations annexes de béton : aire de préfa bétonnée, dallage pour support de la base vie, cheminements bétonnés.
-
Réduction des ouvrages architecturaux non structurels (casquettes et bandeaux béton, auvents béton, poteaux béton intérieurs remplacés par du bois…)
-
Travail avec les fournisseurs de béton pour diminuer les émissions de fabrication (R&D)
Toutes ces mesures vont se heurter aux résistances « des forces en place » : prix des prestations, choix constructifs et architecturaux du client et de l’architecte, habitudes de travail des chefs de chantier et de la production en général…La tâche est immense et malheureusement, le premier moteur de l’action sera vraisemblablement (et malheureusement ) le prix.
J’en appelle au courage des décideurs…
Rappel des posts précédents
Bilan carbone® d’un chantier / 1 : description et données
Bilan carbone® d’un chantier / BC1 : Etude globale TCE
Bilan carbone® d’un chantier / BC2 : Etude du lot Gros œuvre
Category : Bilan carbone chantier