Comment la méthode BILAN CARBONE® DE l’ADEME traite t’elle de la construction et du bâtiment ?
septembre 8th, 2010 // 10:51 @ V.CAU
Le tableur Bilan Carbone® retient deux approches pour le calcul des émissions relatives aux constructions : l’approche par les ratios (kg éq C /m2 construit, de type…) et l’approche par les matériaux mis en œuvre. Ces approches sont destinées à d’évaluer les immobilisations (bureaux, magasins, constructions…) de l’entité qui réalise sont bilan carbone®. Ces facteurs d’émissions sont grossièrement construits, ils permettent généralement, d’obtenir un ordre de grandeur pour un poste secondaire du bilan carbone®, nous allons essayer d’évaluer ici, la pertinence et la barre d’erreur de ces chiffres.
1/ La méthode « ratios surfaciques » :
Le guide des facteurs d’émissions de l’ADEME (V6.1) donne des facteurs d’émissions par unité de surface de construction, la méthode est déduite d’études du CNRS et du CEREN (voir le guide de l’ADEME). L’approche est qualifiée de « rudimentaire » dans le guide des Facteurs d’Emission : « les valeurs proposées découlent des dépenses énergétiques requises pour construire divers types de bâtiments, et ne concernent que le CO2 fossile », elles sont ensuite corrigées en rajoutant 35% d’émissions non énergétiques pour le ciment, 100% pour l’aluminium… Première critique, les ordres de grandeur sont très grossiers, dès qu’il y a utilisation de ciment les émissions de décarbonatation liées à la fabrication même du ciment représentent environ 55% du total. Les bâtiments sont décomposés en m2 de structure béton et m2 de structure acier. Les dépenses énergétiques sont évaluées en kilo équivalent pétrole (kép) par m2 (pour le métal) et kép/m2 (pour l’acier). Les émissions de ces dépenses énergétiques sont ensuite définies statistiquement, 1 tonne équivalent pétrole équivalent (tép) utilisée dans le bâtiment équivaut à 0.74 tonnes équivalent carbone (t éq. C), ce qui donne le tableau ci-après.
Nous allons comparer les valeurs ci-dessus avec les ratios extraits de bilans carbone® de chantiers réels.
Nous allons procéder de la manière suivante : à partir d’une vingtaine de bilans carbone® de chantier (gros œuvre), nous allons extraire les facteurs d’émissions surfaciques pour le gros œuvre, nous allons ensuite en déduire des facteurs d’émission surfaciques pour l’ensemble des lots d’un chantier.
Les cas d’étude correspondent à des chantiers de 700 000€ht à 4 000 000€ht. Les BILANS CARBONE® des chantiers sont réalisés à partir des données précises de l’entreprise (exemple d’un EHPAD), nous obtenons pour le GROS OEUVRE les valeurs ci-après :
Pour passer des émissions du GO (gros œuvre) à celles de l’ensemble des lots du chantier nous prenons les hypothèses suivantes :
La prestation GO représente environ 33% du montant de la construction d’un bâtiment (ratio communément admis). Nous allons évaluer le pourcentage des émissions du GO par rapport à l’ensemble.
Le chantier servant de référence (je reprends le chantier étudié dans les posts précédents) correspond aux critères ci-avant, le montant des travaux de gros œuvre représente 28% du montant de l’ensemble des travaux.
On s’aperçoit que les valeurs sont cohérentes, les différentes méthodes offrent des valeurs semblables (elles sont mêmes étonnamment proches !). Les émissions du gros œuvre représentant 27 ou 28% des émissions tout corps d’état. Nous prendrons l’hypothèse que les émissions du GO représentent 30% de l’ensemble (le chiffre est semblable à celui relatif au montant du GO sur l’ensemble, comme vu plus haut, il n’y a pourtant aucune relation entre ces deux valeurs). Nous intégrons ce paramètre aux valeurs de l’histogramme1 (divisions des valeurs par 0.30) et nous obtenons l’histogramme suivant :
Conclusion pour les valeurs « ratios surfaciques » de l’ADEME :
Globalement les émissions du guide des facteurs d’émissions sont sous évaluées, mais les valeurs restent tout de même cohérente dans les études « bilan carbone » pour lesquelles, les émissions des surfaces construites correspondent au poste « immobilisations », qui n’est pas majeur à priori pour l’entité. Le facteur d’incertitude de du guide méthodologique est de 50% sur ces chiffres. Si le cœur de l’étude porte sur les émissions du bâtiment, il y a lieu d’étudier précisément le projet car les valeurs varient tout de même de 100 à 300 kg éq. C /m2.
2/ La méthode «par quantité de matériaux mis en œuvre » :
Cette approche est, globalement, celle qui est retenu par Construction Carbone. Elle est basée sur les FDES (fiches de déclaration environnementales et sanitaires) issues de la base de données INIES (base de données de produit du bâtiment). Cette base de données permet d’extraire des facteurs d’émissions par UF (unité fonctionnelle: unité de produit mis en œuvre par exemple: m2 de carrelage de référence x marque y, m2 d’isolant X) en fonction d’une DVT (durée de vie typique). Les FDES sont établis par les fabricants des produits ou les syndicats professionnels, la base de données comporte 464 FDES en aout 2010. Chaque fiche est un inventaire du cycle de vie du produit étudié, d’où peut être extrait les émissions dans l’air, et pour ce qui nous intéresse, les émissions d’équivalent CO2 (principalement : CH4, CO2 et N2O). La méthode du bilan carbone® ne donne pas plus de précisions.
Pour une approche cohérente, il y a lieu de tenir compte des frais de chantier (grues, installations de chantier, encadrement…), sans lesquels il ne peut y avoir de production. Les facteurs d’émissions issus des FDES doivent également faire l’objet d’une analyse : quels sont les GES (gaz à effet de serre) retenus? doit on prendre en compte la mise en œuvre? la fin de vie? pour quelle DVT? la FDES correspond-elle à une UF « complète et cohérente » avec notre étude, par exemple : pour une poutre précontrainte, la FDES (http://www.inies.fr/Upload/Prod65_doc1.pdf) correspond à une poutre de 20*35ht de portée 6.40m, avec un entraxe de 2.50m, 450daN/m2 de charge d’exploitation…Il faut donc ramener ce cas particulier au cas étudié (ratio massique…)
3, Conclusion générale :
Bref, si la construction et l’immobilisation des locaux est un poste secondaire du bilan carbone® de l’entreprise X, les ratios donnés par l’ADEME restent cohérents. Si par contre, la construction est votre cœur de métier (ou si le poste « immobilisations » est majeur dans votre étude) il y a lieu d’analyser plus finement le bilan carbone® de votre opération.
Category : Bilan carbone chantier