Le béton « bas carbone » B2C de Bouygues, un (demi)pas en avant!
novembre 25th, 2010 // 10:33 @ V.CAU
Le groupe Bouygues construction communique actuellement sur son nouveau béton « bas carbone » (tout est relatif), utilisé par sa filiale QUILLE sur le chantier du CHU d’Amiens-Picardie. Le béton est, par nature, un matériau fortement carboné. Il est clair que les majors du secteur ont pris conscience du problème, et s’engagent dans des démarches pour alléger le « poids » de leur activité dans le réchauffement climatique. Lafarge a développé une calculatrice CO2, CEMEX utilise un logiciel de comptabilité carbone « OPTIM’CO2 », HOLCIM à lancé un label « CIMCO2OL ». Les majors du BTP (VINCI, BOUYGUES, EIFFAGE) sont également sensibles à la problématique et mettent en place des outils « bilan carbone® ».
Le matériau béton :
Le béton à un fort pouvoir émissif, proportionnel au dosage en ciment (et donc en clinker). Les FDES de l’INIES (béton banché 15cm avec 30 kg d’armatures) donne des valeurs d’environ 80 kg éq. C/m3. Lafarge donne une valeur moyenne pour ses bétons de 65 kg éq. C/m3 (avec un minimum 48.5 et maximum 75.3kg éq. C/m3 suivant le type de béton).
Nous estimons, dans notre étude sur ce matériau, le m3 de béton XC1 C25/30 (280kg de ciment), transporté sur 10 km à 64 kg éq. C. Les valeurs sont relativement semblables et dépendent des dosages en ciment (et en types de ciments).
Quille s’est penché sur le béton autoplaçant qui nécessite un fort dosage en ciment. Les bétons autoplaçants sont des bétons extrêmement fluides (classe S4 avec un affaissement au cône de 160 à 210, et S5 avec un affaissement supérieur à 220). L’utilisation de ces bétons se développe, car ils permettent d’obtenir des finitions soignées pour les ouvrages architectoniques. Ils permettent, également, par leur grande plasticité de s’affranchir de la vibration, qui est une importante source de bruits sur les chantiers, avantage non négligeable en site occupé comme sur le chantier du CHU d’Amiens-Picardie. Le facteur d’émission de ces bétons est très important, du fait du dosage très important en liants. Quille a mis au point un béton autoplaçant « bas carbone », baptisé BAP B2C, dosé à moins de 430 kg/m3 (ciment + additifs). Sans plus de précisions, on peut brutalement estimer…
le poids carbone de ce matériau:
Pour un béton aux caractéristiques suivantes : 430kg de ciment, 175 litres d’eau, 980 kg de gravier et 860 kg de sable. Transport au chantier : 10 km.
La composition de ce type de béton émet (ou dépend de) : 86 kg éq. C/m3 (décarbonatation + combustibles)
La phase production en centrale (process industriel) : 0.15 kg éq. C/m3 (malaxeurs…)
Le transport sur 10 km et retour à vide du camion toupie : 4 kg éq. C/m3
Soit un total de 90 kg éq.C/m3
Le chantier du CHU d’Amiens-Picardie
16000m3 de béton B2C et 64000m3 de béton « classique » seront coulés sur le chantier du CHU. Globalement cela représente UNIQUEMENT POUR LE BETON, autour de 5 500 t éq.C ou encore 20166 t éq. CO2, rappelons que : les émissions moyennes annuelles d’un Français sont d’environ 2 tonnes d’équivalent carbone ( 2 tonnes d’équivalent carbone c’est : 87 300 kWh d’électricité (en France), 2 700 litres d’essence)…et qu’il faut les diviser par 4.
Conclusion
La démarche de Bouygues est intéressante et va dans le bon sens. Mais est-elle à la hauteur des enjeux ?
On peut se risquer à un petit exercice économique (à partir de l’outil eco-entreprise du bilan carbone® de l’ADEME) :
Dans le cas d’une taxe carbone de 17 €/ tonne équivalent CO2, seules les émissions énergétiques (hydrocarbures) du béton prêt à l’emploi sont impactées (soit 10900 t éq CO2).
Dans le cas (exercice) ou la taxe est répercutée à l’euro-l’euro par l’ensemble de la chaine de production du béton. Cela représente pour le chantier du CHU, un surcout d’environ 185 000€.
Dans le cas d’une hausse brutale du prix du pétrole et des hydrocarbures (M.Ahmaninejad et Chavez se fâchent contre l’occident… par exemple) avec 4 études de cas. On conserve l’hypothèse d’école, où toute la chaîne de production répercute le surcout à l’euro-l’euro. Les hypothèses sont les suivantes :
L’inertie de la chaine de production et du système de fixation des prix et tel qu’un chantier à toutes les chances de ne pas être soumis à ce type de risque. Il est évident que sur le long terme, la donne est toute autre, un surcoût énergétique est forcément répercuté au client. Quand les prix du pétrole grimpaient en flèche en 2008, les fournisseurs n’ont pas attendu longtemps avant de répercuter des « hausses de prix exceptionnelles », et des « surcoûts énergétiques ». Réduire l’impact du béton est une piste, une autre consiste à substituer ce matériaux par un autre quand le cas le permet. Les bâtiments sont de plus en plus fréquemment isolés par l’extérieur (normes thermiques…), à t-on besoin d’une structure en voiles béton derrière ? Voici le type de questions que l’on peut se poser, mais qui nécessite une remise en cause des habitudes et des modes constructifs.
Les grands groupes ont compris l’intérêt du bilan carbone(r), plus qu’un outil environnemental, c’est une analyse de risque. Si l’on est intimement persuadé que les contraintes énergétiques ont toutes les « chances » de se concrétiser à court ou moyen terme, il est vital de connaitre son degré de dépendance et son exposition au risque.
Et vous, quel est votre exposition ?
Category : Bilan carbone chantier &Materiaux btp